Un parcours pour libérer la parole des jeunes et lutter contre le racisme

Au lycée Bellevue de Toulouse, des élèves de prépa-seconde ont vécu un parcours éducatif porté par e-graine Occitanie, pour réfléchir ensemble au racisme et à ses formes visibles et invisibles. En mêlant échanges, création et rencontres interculturelles, ce projet a permis à des jeunes en difficulté scolaire de prendre la parole, de se sentir écouté·es, et d’imaginer des réponses collectives face aux discriminations.

Donner la parole à celles et ceux qu’on entend peu

Ce parcours est né d’un constat partagé : les élèves de cette classe passerelle, la classe préparatoire à la classe de seconde (prépa-2nd) souvent en rupture avec le système scolaire, vivent ou observent des situations de racisme au quotidien, sans pour autant disposer d’espaces et/ou d’outils pour en parler. À l’initiative de la Conseillère Principale d’Éducation, e-graine Occitanie a été sollicitée pour proposer une intervention différente, tournée vers l’écoute, l’expression et l’action.

Pensé comme une alternative aux formats scolaires traditionnels, ce parcours répond à un besoin fort : offrir à ces jeunes un cadre bienveillant pour poser des mots sur leurs vécus et construire des pistes d’engagement. Cela a été l’occasion pour elles et eux de sortir d’une posture passive – ces dernière·es n’étant pas ou peu habituées à ce qu’on leur demande leur avis ou à exprimer ce qu’ils·elles ressentent -, de prendre part à des ateliers participatifs, et de mieux comprendre les mécanismes des discriminations.

Un parcours en trois temps, de la prise de conscience à la création collective

Le parcours « Jeunes contre le racisme ! » s’est construit en trois temps. Les premières séances ont permis d’installer un socle commun de compréhension autour des stéréotypes, préjugés, discriminations, du racisme ordinaire et des privilèges. Avec des outils ludiques comme le théâtre forum ou le débat mouvant, ils·elles ont appris à identifier des comportements racistes et à réfléchir aux manières d’y réagir. Très vite, les jeunes ont été invité·es à prendre la parole, à partager leurs vécus, parfois douloureux, à mettre des mots sur des situations et des ressentis encore flous, souvent banalisés. Cette phase de sensibilisation, bien que exigeante émotionnellement et introspectivement, a posé les bases d’un engagement plus personnel.

Lors des deux ateliers suivants, les élèves ont échangé avec des personnes en situation de migration, issues du programme DILAMI (Dispositif universitaire de français langue étrangère pour la reprise d’études des exilés, porté par la COMUE Université de Toulouse). Ils·elles ont co-construit en sous-groupes des œuvres visuelles autour de la question « Comment faire alliance contre le racisme ?« , en valorisant notamment les langues parlées par chacun·e. L’ensemble du processus créatif et le résultat final ont été photographiés et produisent une exposition d’environ 14 photographies qui sont actuellement en édition.

Enfin, la dernière étape du parcours – celle de la restitution – est pensée comme un aboutissement du projet mais aussi comme un moyen de continuer à faire vivre les réflexions sur le sujet du racisme ordinaire. Prévue le 25 juin 2025 à l’Espace Diversité Laïcité de la mairie de Toulouse, cette journée symbolise la volonté de prolonger l’expérience au-delà de la classe, en l’offrant au regard du grand public. L’exposition photographique, composée des images issues des ateliers créatifs, en sera le fil conducteur. Autour de ces œuvres, des animations s’appuyant sur les outils de l’éducation populaire inviteront les visiteur·euses à se questionner, à débattre, à s’exprimer sur les thématiques présentes en toile de fond de ce parcours éducatif. Un débat mouvant, des échanges guidés par le théâtre image, et surtout, en clôture, la pièce « Nous les Itinérantes » de la compagnie Anacaona viendront compléter ce moment fort.

En parallèle, une seconde exposition plus intime, au sein du lycée Bellevue, est en cours d’organisation. Elle permettra aux élèves de s’approprier autrement ce qu’ils·elles ont traversé, et d’ancrer plus durablement les apprentissages dans leur quotidien scolaire.

Pourquoi e-graine s’empare du sujet

Dans un contexte marqué par une banalisation des discours de haine, e-graine est convaincue de la nécessité de renforcer l’éducation aux migrations et la lutte contre le racisme, notamment dans ses formes les plus ordinaires et insidieuses. À travers ce parcours, l’association e-graine Occitanie cherche à rendre visibles les expériences de celles et ceux qui subissent ces injustices, tout en montrant que chacun·e peut devenir un·e allié·e dans cette lutte et quelles sont les réactions possibles face à des situations racistes. 

Paula, chargée de projet et animatrice du parcours à e-graine Occitanie témoigne : 

“Nous souhaitons continuer à animer ce genre de parcours en établissement scolaire, mais également créer un atelier d’autodéfense intellectuelle sur la lutte contre le racisme, qui soit ouvert au grand public, afin de continuer à créer des échanges autour de ce sujet avec des public variés.”

Des retours contrastés mais prometteurs

L’équipe pédagogique salue une dynamique nouvelle dans la classe : les élèves ont été amenés à s’exprimer, à confronter leurs points de vue, à proposer des idées – une première pour beaucoup. L’exercice n’a pas été facile : trouver les mots, oser parler de soi, structurer une pensée sont des compétences parfois fragiles chez ces jeunes. Mais leur créativité a émergé, notamment à travers l’utilisation d’outils théatraux et/ou les échanges interculturels.

Si la partie artistique a été plus compliquée à mobiliser – peu de participation au dernier atelier, manque d’inspiration – les œuvres collectives ont tout de même vu le jour grâce à un accompagnement renforcé de la part de Clémence Cros, enseignante du DILAMI et photographe attitrée pour ce projet!

Côté DILAMI, les apprenant·es ont vivement apprécié l’expérience : une opportunité de pratiquer le français, de découvrir un lycée, et de tisser des liens. Une belle illustration de l’intérêt des rencontres interculturelles, au service d’une société plus solidaire.

Paula souligne également la richesse de l’approche menée par e-graine: pouvoir créer des espaces d’échanges et de réflexions, qui sortent de l’ordinaire et qui s’adaptent toujours en termes de contenu et d’objectifs au rythme et à l’énergie des participant·es.

Merci à la Mairie de Toulouse pour son soutien à ce projet permis au travers de la subvention allouée dans le cadre de l’appel à projets « Prévention et lutte contre le racisme, l’antisémitisme, la haine anti LGBT et promotion des diversités culturelles ».