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Un parcours autour de l’interculturalité avec le Conseil Municipal des Enfants

17 Mar 2025

Mon Quartier Circulaire - Bordeaux

À Cenon, une trentaine d’enfants du Conseil Municipal des Enfants ont exploré les notions d’interculturalité, de laïcité et de discrimination à travers la résidence artistique « Ma voix, mes plusieurs vies« . Animée par e-graine Nouvelle-Aquitaine et O2 Radio, cette expérience immersive a permis aux jeunes d’échanger, de questionner et de donner la parole aux habitant·es de leur ville à travers un micro-trottoir engagé. Un projet pédagogique et citoyen qui a abouti à la création d’une série de podcasts, mettant en lumière des récits aussi sincères qu’inspirants.

Aux origines du projet : un besoin urgent de libérer la parole

Le projet “Ma voix mes plusieurs vies” est un projet expérimental qui naît d’un constat de notre réalité du terrain. Les bénéficiaires de nos actions et de nos projets éducatifs sont témoins de près ou de loin de discriminations diverses dans leurs vies quotidiennes. Elles et ils nous parlent des discriminations – micro, petites ou plus grandes – en lien avec leurs origines, leur apparence physique, leur couleur de peau, leur expression de genre, leur maîtrise du français, leur lieu de domicile et on en passe. Ces personnes – jeunes, moins jeunes, habitant·es de quartiers, élèves des écoles, collèges, lycées, etc.- se sentent parfois démunies face à cette réalité qui génère en elles un sentiment de pessimisme pour l’avenir.

S’adapter à cette réalité par l’ignorance de ces comportements, c’est participer à la banalisation des discriminations. Cacher ces événements sous le tapis, c’est souvent une solution “facile” à mettre en place mais avec des répercussions pénibles pour les personnes et les groupes dans lesquels elles appartiennent. Ces personnes, pendant les animations, nous le disent clairement : elles ne souhaitent plus être victimes ou témoins de discriminations.

Pour illustrer cette situation pénible, posons-nous quelques questions : Quelle personne veut voir sa santé mentale se fragiliser face à un événement ou à une série d’événements discriminants ? Quelle personne s’épanouit dans son lieu de vie si la présence de la peur et de la méfiance sont présentes ? Quelle personne ose rêver d’un meilleur quotidien si elle doit tous les jours accepter les discriminations et se plier à l’idée que ça ne sert à rien d’en parler ? Et après tout, si les discriminations sont partout, est-ce que ça veut dire que tout le monde veut vivre ainsi ? N’y a-t-il pas d’autres manières pour imaginer et raconter nos interactions avec les autres ?

Après s’être posé ces questions, parlons-en et parlons-nous ! Le projet “Ma voix mes plusieurs vies” a mis le récit et la libération de la parole au cœur de ses objectifs pédagogiques :

  • Pointer du doigt les choses qui nous dérangent, qui ne vont pas dans nos quotidiens.
  • Exprimer sa colère, son dégoût, sa peur face à un quotidien qui ne nous convient pas.
  • Ecouter comment les autres voient la vie de personnes qui vivent dans d’autres pays.
  • Observer et exprimer avec du courage et de la fierté comment on pense être perçu.e.s par les autres.
  • Parler des quotidiens plus conviviaux avec les autres et oser s’y projeter.

Pour ouvrir le dialogue sur ces sujets, nous avons proposé « Ma voix mes plusieurs vies », une résidence artistique prenant la forme d’un parcours éducatif qui a eu lieu à Cenon, entre novembre 2024 et janvier 2025, grâce à la participation active du Conseil Municipal des Enfants.

Le Conseil Municipal des Enfants : une voix pour la jeunesse cenonnaise

Le Conseil Municipal des Enfants de la Ville de Cenon est une instance qui, depuis 3 ans, rassemble 32 élèves de CM1 et CM2, filles et garçons âgé·es de 8 à 11 ans, issu·es des 8 écoles élémentaires de la Ville. Les enfants ont été élu·es par leurs camarades pour les représenter dans une instance de démocratie participative sur des sujets divers comme leur contribution aux projets du budget participatif de Cenon. A la fin de chaque année, les élu·es ayant réalisé 2 ans de mandat et partant au collège, laissent leur place à de nouveaux et nouvelles élu·es. La CAF de la Gironde, partenaire financier et technique de ce projet, nous a mis en contact avec la Ville de Cenon et nous avons collectivement décidé que le public du CME correspondait bien aux objectifs et aux besoins de la résidence.

Une première journée de résidence pour poser les bases et encourager l’expression

La résidence s’est déroulée en 2 demi-journées qui ont été animées par 2 chargées de projets de notre équipe, 2 producteurs de l’équipe d’ O2 Radio et les 2 coordinateur·rices du Conseil Municipal des Enfants.

La première demi-journée a été un temps de rencontre avec les enfants, afin de faire connaissance et débattre sur l’importance de parler ouvertement d’interculturalité, de laïcité et de discriminations. Plusieurs activités tournantes ont été animées en simultané par nos équipes : 

  • Une activité ludique sur le vocabulaire autour des notions complexes et parfois trop abstraites, telles que stéréotype, préjugé, discrimination, interculturalité, laïcité, citoyenneté. Cette activité a permis de définir ces notions pouvant être complexes et confondues entre elles, permettant à chacun.e de partir des mêmes bases de vocabulaire et de se sentir plus confortable avec la thématique de la résidence.
  • Une activité de théâtre pour travailler la confiance des enfants au sein du groupe, élément nécessaire pour encourager la libération de la parole. 
  • Une activité de discussion ouverte mettant l’attention au respect de la prise de parole dans un groupe et la prise de parole dans des débats ; ces deux conditions sont elles aussi fondamentales pour la livraison d’un récit authentique, non forcé qui essaie de minimiser la reproduction des rapports de domination. Les enfants ont discuté entre elles et eux autour de questions comme : “Est-ce qu’on peut être citoyen·ne du monde quand on habite à Cenon ?”, “Est-ce que c’est important de parler ouvertement du sujet des discriminations ?” ou encore “Est-ce qu’on est raciste si on dit qu’une personne est noire ?”.
  • Une activité d’entretiens enregistrés sur les sujets principaux de la résidence. Les enfants se sont livré·es et se sont écouté·es les un·es les autres dans la bienveillance et ont enregistré leurs témoignages et récits singuliers aux questions comme “D’où viens-tu ? ; Quelle est l’histoire de tes origines ? ; As-tu rencontré des personnes d’autres cultures ?” ou encore “Que peut-on faire pour réduire les discriminations dans le monde ?” 

Pour clôturer cette première demi-journée, nous avons reçu la visite du maire et des élu·es (adultes) de la Ville de Cenon pour un temps d’échange avec les jeunes du CME autour des questions de laïcité et de bien vivre dans sa ville.

A la rencontre des habitant·es de Cenon pour recueillir la parole

Pour la seconde demi-journée, nous nous sommes collectivement donné comme objectif d’ouvrir le dialogue sur ces mêmes questions en les posant directement aux habitant·es de Cenon afin de récolter leurs propres histoires, représentations et opinions. Cette fois-ci, la demi-journée s’est divisée en 4 temps :

  • Pour commencer, les enfants ont préparé une action d’aller vers. Par petit groupe, iels ont préparé les questions de micro-trottoir pour les habitant·es de Cenon, en s’inspirant des questions de la première demi-journée, et en ajoutant d’autres s’iels le souhaitaient.
  • Ensuite, O2 Radio a formé les enfants à la réalisation des micro-trottoirs afin qu’iels acquièrent les bases sur la manipulation des équipements et de la posture à avoir.
  • Une fois formé·es, il était temps de passer à l’action ! Les enfants, équipé·es et accompagné·es de nos équipes, sont sorti·es dans l’espace public et se sont lancé·es à la rencontre de leurs co-citoyen·nes cenonnais·es pour enregistrer leurs réponses aux questions imaginées. Les jeunes ont alors pu  remobiliser les notions vues pendant la première demi-journée, se confronter aux récits des passant·es tout en restant à l’écoute et dans le non jugement des réponses aux questions posées. A l’arrêt du tram ou du bus, sur le trottoir, aux locaux des associations locales, au petit café ou devant les commerces, les groupes de jeunes, plein de motivation et d’énergie, ont mobilisé une cinquantaine de personnes autour de la Mairie de Cenon ! Les personnes, plus ou moins à l’aise avec le micro ou avec les notions de la laîcité et de la discrimination, ont partagé leurs réponses et ont bien accueilli l’action des enfants. Certaines personnes ont même encouragé les enfants à faire plus régulièrement ce type d’actions afin de parler plus souvent des sujets aussi importants ! L’impact reste positif, d’après les enfants qui ont joué le rôle des reporters.
  • Enfin, après l’action du micro-trottoir, nous nous sommes réuni·es en plénière pour faire le bilan de l’expérience. Encore une fois, les enfants étaient à l’aise pour partager leurs ressentis sur l’ensemble de la résidence.

Au bilan : des expériences marquantes et une envie d’agir

Ces deux demi-journées ont aidé les enfants à gagner en confiance et à développer leur curiosité dans leurs échanges avec des personnes qu’iels ne connaissaient pas.

L’exercice du micro-trottoir leur a permis de prendre conscience que s’exprimer en public n’est pas évident pour tout le monde et que les opinions peuvent diverger. Cependant, iels ont aussi découvert que, malgré les différences, des points communs unissent les individus.

D’autres jeunes ont été marqué·es par les témoignages des personnes qui ont courageusement partagé leur peur sur les discriminations dans leur ville, ce qui leur a suscité une double envie : d’abord, d’être empathique et solidaire pour ces personnes ; puis, de continuer à agir pour réduire les discriminations au quotidien.

Enfin, certains retours ont été inattendus, révélant des impacts que nous n’avions pas anticipés. Plusieurs enfants ont exprimé leur enthousiasme à l’idée de découvrir des structures associatives locales telles que PIMMS, O2 Radio et e-graine. D’autres ont manifesté l’envie de renouveler l’expérience du micro-trottoir, d’aller davantage à la rencontre des gens et de s’engager activement pour lutter contre les discriminations au quotidien.

“Je suis très contente d’avoir participé à ce projet. J’avais déjà entendu parler des instances de participation des enfants comme les CME mais je n’en avais jamais rencontrées. C’était très intéressant d’entendre les enfants se livrer et discuter de sujets aussi importants. Cela pouvait paraître à première vue un peu hors de portée à cet âge là, mais au final c’était d’autant plus riche et touchant car iels l’ont fait avec leurs mots et leurs expériences personnelles.” Solène, stagiaire animatrice pour e-graine Nouvelle-Aquitaine.

Donner vie aux témoignages : de la parole au podcast

Les échanges et témoignages recueillis au cours des deux demi-journées ont constitué une matière riche, offrant l’opportunité de créer une série de podcasts. Pour concrétiser ce projet, nous avons retrouvé l’équipe d’O2 Radio dans leurs locaux afin d’écouter les enregistrements bruts et de réfléchir ensemble à une structure narrative. L’objectif était de mettre en lumière les expériences et les réflexions des enfants et des adultes ayant participé à la résidence. Après ce travail collaboratif, l’équipe d’O2 Radio a pris en charge le montage final, donnant naissance à la série de podcasts « Ma voix, mes plusieurs vies« , composée de trois épisodes et lancée en février :

Et après ?

Cette expérience a donné plus de légitimité aux questions et réflexions des personnes qui ont donné naissance à l’idée de la résidence. Elle nous a également permis – enfants comme adultes – de prendre conscience qu’un monde plus solidaire ne se construit pas en un jour. C’est un cheminement constant, à la fois au niveau individuel et collectif. Avec cette conviction, nous mettrons tout en œuvre pour renouveler ce projet et encourager d’autres initiatives similaires à éclore, dans les quartiers, les villes, les campagnes, les universités, et jusque dans l’espace public.

À celles et ceux qui ont exprimé leurs peurs ou leurs espoirs pour l’avenir du vivre-ensemble, à celles et ceux qui ont pris la parole, à celles et ceux qui nous ont encouragés à l’élever plus souvent, et enfin à celles et ceux qui ne se sentent pas encore prêts à partager leur histoire… L’éducation populaire sera toujours là pour offrir des espaces bienveillants, aujourd’hui et demain.

Nous remercions le Fonds de coopération de la jeunesse et de l’éducation populaire (FONJEP), l’Agence Française du Développement (AFD), le programme Un Univers Citoyen (UUC) et la Caisse d’Allocations Familiales de Gironde (CAF 33) et d’avoir financé ce projet. Nous remercions également les coordinateur·ices du CME ainsi que O2 Radio de s’être mobilisé·es pour la réalisation de cette résidence.

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