Bien Manger : bien plus qu’une nécessité vitale !
Nous n’avons pas le choix : nous devons ingérer des aliments pour vivre. Mais l’humanité a su transformer cette contrainte en plaisir et même en art, un art fondamental, multidimensionnel, universel. L’art culinaire, qu’il soit salé ou sucré, qu’il soit simple ou élaboré, est affaire d’alchimie et de goût, mais pas que ! Parce que le plaisir du goût est aussi un fabuleux déclencheur d’émotions, il nous lie profondément à notre identité et à nos souvenirs.
Et, il ne s’agit pas seulement de ce que nous mangeons, mais de comment et avec qui nous mangeons. La cuisine, c’est à la fois une ouverture au monde qui nous permet de découvrir la culture des autres et cet acte vital qui relève d’une autre nécessité : celle de la convivialité ! Mais, dans un monde dominé par la malbouffe et les produits ultras-transformés, comment retrouver le goût des bonnes choses et les bienfaits du partage ?
La « Madeleine de Proust », une expérience universelle
Parce que le goût et l’odorat forment un binôme puissant de notre mémoire sensorielle, la cuisine agit sur nous comme une capsule temporelle, nous liant à jamais à notre histoire personnelle.
Marcel Proust prend conscience de ce pouvoir lorsqu’il goûte une madeleine trempée dans son thé. Cette expérience gustative, il la délivre dans « Du côté de chez Swann » en une page sublime et qu’il résume ainsi :
« Quand d’un passé ancien rien ne subsiste, après la mort des êtres, après la destruction des choses, seules, plus frêles mais plus vivaces, plus immatérielles, plus persistantes, plus fidèles, l’odeur et la saveur restent encore longtemps, comme des âmes, à se rappeler, à attendre, à espérer, sur la ruine de tout le reste, à porter sans fléchir, sur leur gouttelette presque impalpable, l’édifice immense du souvenir ».
La cuisine, au fin-fond de notre ADN commun
La cuisine, c’est ce voyage en nous-mêmes, dans nos souvenirs. Et quoi de plus émouvant, et de plus savoureux, que des recettes transmises de génération en génération ? Ce sont des trésors préservés, comme une sorte de patrimoine immatériel personnel !
Mais, peut-être que nos souvenirs vont au-delà, au cœur même de notre humanité. En effet, l’art d’accorder les aliments, de les cuire, de les assaisonner, remonte à des temps immémoriaux.
Les découvertes des paléontologues permettent d’affirmer que nos lointains ancêtres maîtrisaient plusieurs façons de cuire la viande et les produits de la cueillette, et de les accorder. Des connaissances qui ont été transmises de siècle en siècle… L’on sait aussi que nos ancêtres se regroupaient autour du feu pour préparer le repas ensemble et le déguster en commun.
Ce feu, ancêtre du foyer de la cheminée et de la notion même de maison où se déguste le repas pris en commun est l’un des fondements de notre humanité.
De la cueillette au bouillon cube
Tous les grands chefs le disent : pour faire de la bonne cuisine, il faut de bons produits !
Or, depuis la nuit des temps, l’humanité a puisé dans les ressources locales, à l’état sauvage, puis, à partir de 10 000 ans environ avant notre ère, les agriculteurs-éleveurs remplacent les chasseurs-cueilleurs.
Sédentarisée, l’humanité ne cessera d’améliorer ses techniques de transformation et de conservation des aliments pour faire face aux aléas de la disette, causés par de mauvaises récoltes ou par les guerres.
À partir du 18e siècle, les progrès de la science et le début de l’industrialisation aboutissent à l’invention de la boîte de conserve. Dans le même temps, les centres urbains se peuplent d’une nouvelle classe laborieuse qui a moins de temps pour cuisiner.
Pour pallier au manque de temps, apparaissent au début du 20e siècle les premiers bouillons cubes (Kub) et les premiers yaourts fabriqués en usine. Mais, c’est dans la deuxième moitié du 20e siècle que s’ouvre l’ère alimentaire que nous connaissons encore aujourd’hui.
L’ère de la grande distribution
En France, après la seconde guerre mondiale, les petites parcelles sont progressivement démantelées au profit de grands champs pour que puissent circuler les nouveaux tracteurs importés des États-Unis.
Dans la continuité du bouleversement du monde paysan qui évolue vers toujours plus de monoculture, fleurissent dans les années 1960 les premiers supermarchés.
Ces derniers ne cessent de s’agrandir et, bientôt, y seront mis en vente des produits ultra-transformés par la chimie, avec exhausteurs de goût et conservateurs. Dans le même temps apparaissent les emballages, le marketing et la publicité qui visent à créer de nouveaux besoins.
L’agro-alimentaire devient un secteur lourd de l’économie mondiale qui favorise l’intensification de l’agriculture et de l’élevage pour obtenir des prix toujours plus bas face à la concurrence.
Dans l’histoire de l’humanité, nous n’avons jamais eu accès à autant d’abondance… mais dans le même temps, nous n’avons jamais généré autant de gaspillage alimentaire !
Un paradoxe, auquel s’ajoutent de nombreux autres revers : pollution des sols, cancers dus aux pesticides, souffrance du monde paysan, pollution plastique via les emballages… pour n’en citer que quelques-uns.
De nouveaux modèles…mais pas pour tous
Aujourd’hui, de nombreuses initiatives paysannes, citoyennes mais aussi émanant de chefs réputés et engagés tentent de contrer le modèle dominant pour revenir aux produits locaux et de qualité. C’est un mouvement mondial pour lutter contre la disparition des savoir-faire culinaires, contre la standardisation des espèces comestibles, et donc du goût.
Mais, à celles et ceux de plus en plus nombreux·ses qui dépendent des banques alimentaires pour survivre, s’ajoutent celles et ceux qui peinent à s’alimenter convenablement parce qu’il·elles habitent dans un quartier déserté par les commerces de proximité ou les marchés, pourvoyeurs de produits frais. Et ce n’est pas un hasard si l’obésité est près de deux fois plus répandue dans les catégories les plus modestes que chez les catégories plus aisées !
Alors, comment pallier au manque de temps, au manque d’argent, à l’absence d’une offre alimentaire variée et de qualité pour revenir à cet art fondamental et universel de la cuisine maison ?
Cette vaste question du « bien manger » est devenue un enjeu de santé publique qui devrait être au cœur de nos préoccupations et de celles de nos politiques, car l’injustice alimentaire ne devrait pas être une fatalité !
« Dis-moi ce que tu manges, je te dirais qui tu es… »
C’est le célèbre gastronome et auteur culinaire français Jean Anthelme Brillat-Savarin qui écrivit cette phrase dans sa « Physiologie du goût », publiée en 1825.
Brillat-Savarin est peut-être le premier à avoir mis le doigt sur l’importance de bien manger. Pour lui, le repas ne doit pas seulement répondre à une fonction vitale, mais agir aussi sur notre bien-être et sur la qualité de nos rapports sociaux.
Mais, encore faut-il avoir les ressources nécessaires pour dépasser la nécessité vitale, car ce que nous mangeons et comment nous mangeons dépend aussi de notre éducation, de notre situation sociale et de l’endroit où nous vivons.
À l’heure où nous connaissons les ravages des produits ultra-transformés sur notre santé, la phrase de Brillat-Savarin semble d’une criante actualité !
Pour égayer ses papilles…
Avant de rouvrir le cahier de recettes de votre grand-mère, peut-être serez-vous tentés de vous lancer dans la cuisine préhistorique ?
Ce défi a été lancé par le magazine Sciences et Avenir au paléontologue Antoine Balzeau et au chef et professeur à l’école hôtelière de Paris, Nicolas Poilevey. Menu et recettes ici.
Vous aussi, trouvez votre « madeleine de Proust » ! Pour vous inspirer, voici le fameux passage dans « Du côté de chez Swann »
Un grand merci à Rosaleen Crowley pour la rédaction de cet article inspirant
Focus sur Le Laboratoire d’Initiatives Alimentaires à Bordeaux
Le Laboratoire d’Initiatives Alimentaires (LIA) est un projet phare d’e-graine Nouvelle-Aquitaine qui vise justement à questionner notre système alimentaire dans son ensemble, avec l’objectif de tendre vers un modèle plus durable et équitable. Il intervient au quartier de la Benauge, situé sur la rive-droite de Bordeaux, pour proposer une nouvelle offre alimentaire dans un territoire où 40% des habitant·es vivent sous le seuil de pauvreté. Bien manger revient au devant de la scène !
Le concept de démocratie alimentaire est au centre de ce nouveau modèle : permettre aux citoyen·nes de reprendre le pouvoir sur la façon d’accéder à l’alimentation. Les moyens d’actions sont nombreux : création d’une cantine de quartier, d’un marché de producteur·trices locaux… Autant de dispositifs qui permettent de créer du lien social entre les habitant·es, tout en assurant une offre alimentaire pour toutes et tous.
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