Interview : Bastien, un UTOPISTE MILITANT

À quoi ressemble l’éducation à la citoyenneté mondiale quand on la vit de l’intérieur ? À travers cette série de portraits, partez à la rencontre de celles et ceux qui font vivre l’ECM au quotidien. Leurs parcours singuliers, leurs engagements, leurs regards éclairent un mouvement vivant et multiple : e-graine. En mettant en lumière la diversité de ces visages, nous vous invitons à découvrir une autre façon de voir le monde, et peut-être, à prendre part à l’aventure. Aujourd’hui, nous vous présentons Bastien Roumiguiere, bénévole puis volontaire en service civique chez e-graine Occitanie.
Peux-tu te présenter et nous parler de ton parcours ?
Je m’appelle Bastien, j’ai 24 ans, et je termine actuellement mon volontariat en service civique au sein d’e-graine. Mon parcours pour arriver ici n’a rien d’évident, c’est un mélange de hasard et de cheminement progressif. À la base, je n’ai pas un profil en lien direct avec les thématiques de l’Éducation à la Citoyenneté Mondiale. J’ai fait des études en ingénierie, puis en artisanat, deux univers assez éloignés de ce que je fais aujourd’hui.
C’est en revenant à Toulouse, à l’été 2023, que les choses ont commencé à bouger. J’étais dans une phase de questionnement personnel et professionnel : je ne trouvais pas vraiment de sens dans mes expériences passées, que ce soit dans l’aéronautique ou dans la maroquinerie. J’avais envie de trouver autre chose, quelque chose qui me parle davantage. C’est dans cette optique que je me suis tourné vers la mission locale de Toulouse, pour prendre un peu de recul et réfléchir à ce que je voulais apporter, à moi-même comme aux autres.
Raconte-nous ta première rencontre avec e-graine.
C’est à travers un atelier proposé par la mission locale que j’ai découvert e-graine pour la première fois. À ce moment-là, j’étais encore dans une phase de réflexion sur mon avenir professionnel. L’atelier en question, c’était un « rallye des métiers de la transition écologique », animé par e-graine, et ça a été mon premier vrai contact avec l’association… que je ne connaissais pas du tout.
L’idée du rallye, c’était de partir à la rencontre de différentes structures locales engagées dans l’économie sociale et solidaire, l’éducation populaire ou encore l’écologie. On a visité un cabinet d’architectes qui travaillent sur la revalorisation de matériaux, des jardins qui allient inclusion professionnelle et production alimentaire pour une école à proximité, ou encore plusieurs tiers-lieux toulousains. Ça m’a ouvert les yeux sur la richesse de l’écosystème local et sur les manières concrètes d’agir.
À l’époque, c’est Laura qui animait la rencontre pour e-graine, et le contact est tout de suite bien passé. C’est un peu à partir de là que tout a commencé. J’ai commencé à participer à d’autres temps proposés par l’association : animations, soirées jeux, rencontres autour de l’ECM…
Je me souviens d’un moment marquant, lors du Festival des Solidarités, où j’ai participé à une animation avec des exilés vénézuéliens ayant fui la crise dans leur pays, qui ont monté une association d’aide humanitaire en soutien au peuple vénézuéliens… Ce genre d’initiative m’a profondément touché. C’est à ce moment-là que j’ai senti que les sujets qu’on abordait chez e-graine n’étaient pas juste des concepts ou des causes : c’était des réalités vécues, incarnées.
Pour toi, l’Éducation à la Citoyenneté Mondiale, c’est quoi ?
L’ECM, pour moi, c’est un pont entre un idéal et des moyens concrets d’y parvenir. C’est partir d’une vision d’un monde plus juste, solidaire, respectueux des vivants… et se demander comment, ici et maintenant, on peut tendre vers ça. Et ça passe par des outils pédagogiques, des espaces de dialogue, des pratiques collectives. Ce que j’aime, c’est qu’on ne reste pas dans l’abstrait. L’ECM permet de rendre vivant un engagement. Même si on sait que cet idéal restera peut-être inatteignable, le fait d’y tendre, de l’assumer et de le défendre au quotidien, je trouve ça déjà précieux. Ça donne un cap, ça motive. Et si, au passage, on arrive à améliorer un peu les choses autour de nous, alors c’est déjà une belle victoire.
Un exemple que je trouve très parlant, c’est l’exposition Nous d’ailleurs. C’est un dispositif complet, accessible, qui permet de parler de catégorisation, de représentations, de discriminations, de manière fine. On ne diabolise pas le fait de catégoriser, c’est humain, mais on montre comment cela peut conduire à des systèmes discriminants. L’outil ne juge pas, il éclaire. Il met en lumière des mécanismes invisibles, tout en laissant de la place à l’émotion, à l’échange. C’est ça l’ECM : de l’exigence sur le fond, de l’accessibilité sur la forme.
Qu’est-ce que tu retiens de ton bénévolat et de tes premières actions avec e-graine ?
L’action qui m’a le plus marqué, c’est Le Pouvoir des fleurs, le 14 février. Avec Lila, une ancienne volontaire, on a voulu casser les codes. Plutôt que de faire une sensibilisation dans la rue, on a organisé un atelier en petit groupe, avec une fleuriste engagée qui travaille uniquement avec des fleurs locales et de saison. Elle a appris aux participant·es à composer leurs bouquets tout en partageant ses valeurs.
En parallèle, on a mené une sensibilisation sur l’impact écologique des roses, souvent importées et très polluantes. On a confronté l’imaginaire romantique au réel, tout en questionnant la symbolique du 14 février. Est-ce qu’on a besoin d’acheter pour aimer ? Ce moment m’a marqué par sa profondeur, l’équilibre entre théorie, pratique et échange. C’était doux, sincère, puissant.
Et ton expérience en service civique, comment tu l’as vécue ?
Ce que j’ai trouvé fort, c’est que l’éducation populaire ne se limite pas à nos publics : elle est aussi vécue en interne. On apprend tous les jours les un·es des autres, avec une vraie diversité de parcours et de sensibilité. Au début de mon engagement, les thématiques tournaient surtout autour de l’interculturalité et des métiers verts. Puis d’autres enjeux ont émergé, comme la lutte contre les violences sexistes et sexuelles ou la gestion des déchets avec Toulouse Métropole.
Ce que je retiens, c’est la capacité à faire dialoguer des luttes. Un outil conçu pour une thématique peut être adapté à une autre, et des approches très différentes peuvent fusionner intelligemment. Cette idée de convergence des luttes, je l’ai vécue concrètement. Ce n’est pas juste un slogan, c’est un terrain fertile où chaque engagement peut nourrir les autres. On construit en permanence, on réajuste, on apprend. C’est cette dynamique collective qui rend l’expérience aussi forte.
Quelle action individuelle ou collective pourrait, selon toi, avoir le plus d’impact ?
Je pense qu’on passe beaucoup trop de temps à dire ce qu’on rejette et pas assez à exprimer ce qu’on désire vraiment. Ce que je veux, moi, c’est une société plus équitable, moins stigmatisante, où chacun·e aurait sa place. Une société où les quartiers populaires ne seraient plus associés à des clichés, où les contrôles au faciès ne seraient plus une norme, où la démocratie fonctionnerait réellement pour tout le monde.
C’est utopique ? Peut-être. Et pourtant, chez e-graine, on agit chaque jour pour que ces nouveaux récits deviennent réalité. On veut montrer que c’est possible de faire autrement, en s’adaptant aux réalités de chaque territoire. C’est d’ailleurs là que naît le changement : dans l’ancrage local, dans les expériences concrètes qui donnent envie d’agir. Et à partir de ces initiatives, on porte une voix nationale, pour nourrir un autre imaginaire collectif. Je trouve que le fonctionnement d’e-graine, avec ses associations régionales ancrées localement mais reliées nationalement, est une force. Il y a de la souplesse, de l’autonomie, et une vision partagée. L’État aurait à s’inspirer de ce modèle. On est un peu les Länder (système de région en Allemagne) de l’éducation populaire !
Et ton rêve le plus précieux ?
Vivre dans un monde où l’on serait serein·es face à demain. Aujourd’hui, ce qui m’angoisse le plus, c’est cette incertitude : à quoi va ressembler le futur ? J’aimerais qu’un jour, on puisse attendre demain avec joie, avec excitation. Et si ce jour arrive, alors ça voudra dire qu’on aura bien travaillé. C’est ça, mon rêve.
Mais j’ai aussi une envie très concrète : continuer à m’engager, à militer au quotidien, à construire quelque chose de politique, à mon échelle. À Toulouse, je me sens bien. J’y vois un potentiel de citoyenneté active, de démocratie vivante. Ce que je souhaite, c’est une ville où les gens se sentent écoutés, impliqués, porteurs de changement. Et ça, je sais que je vais continuer à y travailler.
Un grand merci à Bastien pour son témoignage, son authenticité et son engagement à nos côtés !
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