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Le Tribunal du changement climatique au service de sept femmes cheffes d’entreprise

20 Juin 2023

A Valenciennes au mois d’avril, sept femmes cheffes d’entreprise accompagnées par l’association Germinal ont bénéficié de l’un des dispositifs pédagogiques phares d’e-graine : le Tribunal du changement climatique. L’occasion de revenir avec Etienne Cordier, coordinateur d’e-graine Hauts-de-France et Juliette Fleury, de l’association Germinal, sur les atouts de ce dispositif pédagogique qui allie art oratoire et sensibilisation aux enjeux écologiques.

Né à Bordeaux, le Tribunal du changement climatique consistait à l’origine en un atelier de deux heures destiné aux lycéen·nes.

L’association e-graine HDF a fait évoluer sa formule, qui consiste aujourd’hui en un parcours pédagogique sur deux jours, ce qui permet de prendre le temps de développer les enjeux liés au changement climatique en profondeur, pour ensuite préparer la mise en œuvre du procès qui opposera les différentes parties impliquées, telles que l’État, un groupe de citoyen.ens, les avocat.es, les juges…. Pour cela, un.e comédien·ne intervient en amont pour travailler la prise de parole en public avec les participant.es. Par la suite, ces dernier.es, réparti.es en plusieurs groupes devront préparer leur argumentaire puis s’affronter lors du procès.

En un an, e-graine HDF a mis en place quatre tribunaux. Collèges, entreprises, personnel en formation, nombreux sont les publics potentiels qui pourraient être appelés à bénéficier de ce dispositif. En effet, il présente l’intérêt d’être particulièrement modulable, comme l‘explique Etienne Cordier, coordinateur d’e-graine Hauts-de-France : « On peut utiliser cet outil pour mettre l’accent sur la question environnementale, comme sur le fait de prendre la parole en public, de s’exercer aux débats contradictoires. Si c’est cet aspect qui intéresse le ou la prestataire, alors on mettra l’accent sur l’intervention du ou de la comédien·ne ».

C’était le cas lorsque l’association Germinal, à Valenciennes, a sollicité e-graine HDF pour intervenir au sein du dispositif « Balance ton pitch », que l’association met en place à destination des femmes cheffes d’entreprise qu’elle accompagne. Il consiste à proposer, tous les mardis pendant quatre mois, des activités individuelles et collectives pour permettre aux participantes de travailler sur les notions de légitimité dans leur rôle professionnel. Un besoin qui concerne en particulier les femmes, comme l’analyse Juliette Fleury : « Les femmes se sentent moins légitimes, elles rencontrent plus de barrières. Pendant ces quatre mois, nous avons travaillé sur l’image de soi ainsi que sur les aspects commerciaux de leur activité. L’un des objectifs était de travailler la capacité à négocier. On a pensé au Tribunal du changement climatique, on s’est dit qu’on pouvait travailler l’art de la négociation sous forme d’un procès. » Pour cette session, le Tribunal du changement climatique, qui cette fois s’est déroulé sur une seule journée, a consisté en un atelier avec une comédienne le matin, et en la préparation et la mise en œuvre du procès l’après-midi. Les participantes, réparties en binôme ou en trio, représentaient chacune des parties du procès : l’Etat, les scientifiques du GIEC, les citoyen.nes portant plainte et une entreprise pétrolière. Elles disposaient d’une heure (et de leur téléphone pour glaner des informations) pour écrire leur plaidoirie en fonction des intérêts que leur groupe défend. Et à la fin de l’atelier, le procès a eu lieu.

L’exercice, sur un sujet que les participantes ne maitrisaient pas nécessairement, constituait un défi. Mais il a, de l’avis de Juliette Fleury, grandement bénéficié de l’atelier théâtre : « Le matin, pendant trois heures, la comédienne a fait travailler l’improvisation aux participantes à l’aide d’exercices et de jeux d’improvisation. L’idée était d’apprendre à convaincre l’autre, en reprenant les fondamentaux de la communication. Cet atelier nous a fait beaucoup de bien. Elles se disaient « Quoi qu’il se passe, je vais y arriver, même si j’ai peur ». C’est un dispositif qui, pour moi, ne peut fonctionner sans l’intervention de la comédienne ». Ludique et participatif, le Tribunal a donc non seulement permis de sensibiliser les participantes aux questions climatiques mais aussi de leur donner accès à de nouvelles compétences qu’elles pourront se réapproprier dans le cadre de leur activité : « Cela leur a permis de prendre conscience de l’attitude qu’elles adoptent envers leurs client.es, de la manière dont parfois elles se mettent en difficulté, poursuite Juliette Fleury, et par ailleurs, travailler sur un sujet douloureux d’une manière ludique entraîne une meilleure prise de conscience. Une participante a dit qu’elle s’était sentie grandie par l’expérience. »

Si l’association Germinal a été convaincue par le Tribunal du climat, la même formule du dispositif appliquée à un autre public risquerait de ne pas emporter la même adhésion. Le défi que rencontre e-graine consiste en effet à façonner la formule du Tribunal qui sera la mieux adaptée à ses participant.es. En effet, le Tribunal s’adapte à son public, aussi bien auprès des femmes cheffes d’entreprise qu’avec les volontaires en service civique d’Unicité, de 16 à 30 ans ou des décrocheurs de l’AFPA, des jeunes en difficulté scolaire entre 16 et 18 ans. Avec ces derniers, il est apparu que tous les ateliers ne rencontraient pas la même adhésion, comme l’explique Etienne Cordier : « Auprès de ce public, les jeux d’improvisation, ça fonctionne, l’écriture plateau aussi, mais dès qu’il faut écrire un argumentaire, là , ça ne marche plus. Il faudra à l’avenir trouver une solution pour que ces ateliers ne soient pas assimilés à un exercice scolaire. ».

La prise en compte des spécificités de chaque public impose ainsi à e-graine de faire preuve de créativité pour tenter d’intéresser un public le plus large possible. C’est ainsi qu’est née la prochaine mouture du dispositif, un Tribunal portant sur la Coupe du monde de football 2030, qui aura lieu en novembre. Etienne Cordier explique : « On a du mal à faire venir des gens sur la question de l’environnement. Le football, lui, peut passionner tout le monde, c’est pourquoi nous avons imaginé un jury d’attribution de la Coupe du monde 2030. C’est une question qui implique des enjeux géopolitiques, environnementaux, sociaux, liés aux droits des travailleurs, des minorités… L’idée sera de réunir cinq groupes de jeunes qui devront défendre la candidature du pays qui leur sera attribué. ».

Sensibiliser, identifier les moyens d’action, faire prendre conscience de la nécessité d’une action collective, le Tribunal du changement climatique reprend ainsi l’essence de ce qui fait e-graine. Avec cet atout supplémentaire de former à la prise de parole, en particulier les jeunes participant.es : « En ce sens, le Tribunal du climat contribue à l’émancipation individuelle des jeunes, qui peuvent parfois ne pas être à l’aise à l’oral, ou avec leur corps. Au bout de deux jours, on voit une réelle différence. Ça, c’est très gratifiant pour l’association. », souligne Etienne Cordier.

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