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Communiqué du mouvement e-graine : « Je vois, j’écoute, j’accueille »

11 Juil 2023

Je suis Julien. Je suis Gabrielle. Je suis Sébastien. Je suis Hanna. Je suis François. Je suis Eléna. Je suis Frédéric. Je suis Pascal. Je suis Lisa. Je suis Mélanie…

Nous sommes des citoyen·nes du monde : éducateur·rices à la citoyenneté mondiale, travailleur·euses sociaux, bénévoles, élu·es locaux, acteur·rices du monde associatif et de l’économie sociale et solidaire. Nous sommes le mouvement e-graine, et nous avons passé ces derniers jours en collectif à l’occasion de notre rencontre nationale annuelle. Ensemble, nous avons pris le temps de voir, d’écouter, et d’accueillir la parole. Ce moment fort a suscité de l’émotion, mais aussi des discussions et réflexions que nous souhaitons retranscrire dans ce communiqué.

Aujourd’hui, nous sommes tristes et en colère. Les dernières semaines nous ont ébranlé·es dans nos corps et dans nos coeurs : un nouveau naufrage a coûté la vie à des centaines d’hommes, de femmes et d’enfants en Méditerranée, le collectif écologiste des Soulèvements de la Terre a été dissout par le gouvernement pour ses actions de désobéissance civile, et la semaine dernière un jeune franco-algérien de 17 ans, Nahel Merzouk, a été tué par un représentant des forces de l’ordre à la suite d’un refus d’obtempérer. Cette dernière injustice a été l’étincelle qui a plongé le pays dans une grande violence à la fois par des discours, des émeutes et la répression des forces de l’ordre. Aussi choquants que soient ces événements, ils ne sont que la dernière manifestation d’un profond repli sur soi, d’une dégradation des services publics, de la multiplication des discriminations et d’un déficit de solidarité à l’œuvre depuis des années en France et dans le monde. Ils sont néanmoins le déclencheur de notre prise de parole aujourd’hui.

En effet, ces évènements rappellent l’essence même de notre mouvement né dans un contexte similaire, celui des émeutes de 2005. Elles mettaient déjà en lumière la fracture grandissante entre citoyen·nes et institutions publiques. Nous l’avions entendue à l’époque comme un besoin de trouver de nouvelles solutions. Nous avons ainsi fait le pari que l’éducation populaire serait notre levier pour construire des territoires solidaires et responsables, et ce dans les villes, les zones périurbaines ou en milieu rural, car l’éducation populaire est à portée de tous·tes.

Depuis 17 ans, nous défendons un changement de paradigme pour dépasser les débats culpabilisants et discriminants et traiter les causes profondes des problématiques actuelles. Nous sommes convaincu·es que ces changements ne peuvent se faire qu’en coopération avec les premier·es concerné·es et les acteur·rices de terrain. C’est ce que nous nous efforçons de faire dans les nombreux territoires sur lesquels nous travaillons en réunissant systématiquement autour de la table citoyen·nes, associations de proximité, et agent·es des collectivités et de l’État pour construire des diagnostics partagés et transformer nos envies communes en solutions territorialisées. Cette coopération concrète a ainsi fait émerger des projets allant de la gestion communautaire des déchets dans des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) aux prises de paroles de jeunes sur leurs idéaux en zone rurale.

Aujourd’hui, notre mouvement veut transmettre un message de solidarité et reconnaître le courage de toutes celles et ceux qui œuvrent déjà à construire des territoires plus solidaires et responsables et qui continueront de le faire demain : éducateur·rices de rue, travailleur·euses sociaux, acteur·rices associatifs, agent·es des collectivités et de l’État, syndicats et politiques publiques. En bref, tous·tes ces acteur·rices de première ligne qui ont eu et auront leur heure de gloire à chaque nouvelle crise, avant de retomber dans l’oubli dès que le “monde d’après” se refonde dans le “monde d’avant”.

Nous, éducateur·rices à la citoyenneté mondiale, avons pu exprimer notre colère et notre tristesse lors de notre rencontre nationale. Par la force du collectif, ces émotions ont pu être accueillies puis transformées en volonté renouvelée d’écouter activement, de tisser des liens, et d’accompagner vers de nouvelles notions de citoyenneté plus inclusives.

Par ce communiqué, e-graine en appelle aujourd’hui à la responsabilité de chacun et chacune de voir, d’écouter et d’accueillir la colère, la peur ou les convictions des autres. Il ne s’agit pas de légitimer la violence quelle qu’elle soit, mais plutôt de percevoir le sentiment d’injustice d’individus qui n’interagissent souvent avec l’État que par le biais de la police, en l’absence de réels moyens et services publics. Il s’agit aussi d’écouter l’inquiétude et l’épuisement des acteur·rices de terrain qui ne peuvent plus endosser seul·es les rôles de médiateur·rices, éducateur·rices, psychologues, ou médecins. Il s’agit enfin de reconnaître la situation actuelle comme une crise d’humanité dans laquelle les individus ne se sentent plus appartenir à un tout commun. Il revient maintenant à chacun et chacune d’entre nous de se rassembler pour construire ensemble des territoires plus solidaires et responsables.

Parce que nous faisons tous et toutes partie d’un même monde, apprenons à partager nos richesses culturelles, économiques, et humaines. Valorisons nos différences comme nos ressemblances. Par le biais de l’éducation populaire, mettons-nous individuellement et collectivement en situation de voir, d’écouter et d’accueillir. Ce n’est qu’ensemble que nous parviendrons à construire le vrai monde d’après.

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