Guide de l’engagement des jeunes

AVANT – PROPOS

La notion d’engagement est aujourd’hui sur-employée dans des contextes pluriels par tous et pour tout type d’idées, ce qui participe à en faire une expression galvaudée, une « coquille vide ».

Cette expression dans l’air du temps suscite l’intérêt et provoque souvent des émotions fortes qui peuvent partir dans tous les sens.

On peut entendre que le manque d’engagement est une caractéristique des jeunes générations, mais qui s’étend finalement à l’ensemble de la population, de la société en général. La montée de l’individualisme est un constat observé sur le plan international et qui semble concerner tous les types de sociétés.

Dans le même temps, on assiste à des positions individuelles et collectives de plus en plus marquées (repli sur soi, rejet de la différence, montée de communautarisme…), des comportements et des idées attirées par les extrêmes et le développement de radicalités en tout genre.

Mais on peut aussi observer une autre réalité selon laquelle dans un contexte de crises généralisées, on assiste à un réel réveil citoyen globalisé avec le développement d’une infinité d’initiatives solidaires et responsables, ainsi que des solutions concrètes pour répondre aux grands enjeux du monde contemporain et de « demain ».

En interrogeant les acteurs socio-éducatifs qui interviennent auprès de la jeunesse, tous se sentent concernés par la question de l’engagement qui constitue un enjeu majeur de leur travail auprès des jeunes. Ils ont le point commun de susciter la participation des jeunes à des actions éducatives mais aussi de les accompagner en tant que « citoyens d’aujourd’hui et de demain ».

Comment donner envie aux jeunes de s’engager ? Bien qu’ils aient des objectifs communs, les pratiques des professionnels sont relativement cloisonnées et peuvent reposer sur des approches différentes. Missions locales, services jeunesse, travailleurs sociaux, etc. interrogent et évaluent leurs pratiques sur le plan national, par rapport aux spécificités de leurs missions mais croisent encore trop peu souvent leurs regards malgré un travail en commun sur les territoires.

La question de la participation des jeunes et des « publics » en général est au coeur de tous les dispositifs. Les projets doivent être participatifs, mais qu’entend-on par « participation » ?

Au regard de différentes contraintes, les indicateurs de la participation sont souvent :

– quantitatifs (est-ce que les jeunes étaient nombreux ?)

– à court terme (est-ce qu’il y a un résultat concret rapide ?)

– en réponse aux envies des jeunes (est-ce que les jeunes étaient contents, motivés, partants ?)

– énoncés du point de vue des professionnels, en réponse à des demandes hiérarchiques

Ces indicateurs de mesure peuvent être pertinents en soi mais se révèlent souvent réducteurs. En effet, avant de mobiliser un grand nombre de participants, de nombreux projets démarrent dans un premier temps à partir d’un petit groupe qui s’étendra ensuite.

De plus, lorsqu’on fait évoluer des pratiques professionnelles et que des habitudes changent, on peut aussi constater des résistances de la part des jeunes, qui étaient parfois installés dans une approche « consommatrice ». Susciter leur participation active peut parfois se révéler déstabilisante.

Travailler sur la question de l’engagement avec les jeunes nécessite un cadre pédagogique transparent pour l’équipe et pour les jeunes, ainsi qu’une souplesse pour s’adapter et ouvrir le champs des possibles.

Chapitre 1 : Cet outil, le pourquoi du comment

PARTIE 1 – E-GRAINE ET LA NOTION D’ENGAGEMENT

1 – L’ENGAGEMENT AUX ORIGINES DE L’ASSOCIATION

A – Pourquoi ce projet associatif ?

Notre monde est en crise, une crise écologique, économique et sociale. Les ressources de notre planète sont surexploitées, l’économie est dirigée par ceux qui possèdent les capitaux et l’individualisme prédomine, mettant en péril l’exercice de la citoyenneté.

Quelques faits :

– 25% de la population mondiale vit sous le seuil de pauvreté (source Banque Mondiale, année 2019).

– nous utilisons l’équivalent de 3 planètes pour subvenir à nos besoins.

– les grands principes des droits de l’homme sont bafoués régulièrement sur les différents continents.

Cependant de nombreuses initiatives, individuelles ou collectives, cherchent de nouvelles façons de faire et proposent des alternatives pour s’engager dans la transition. Après avoir pris conscience que nous étions à un tournant de notre histoire, ces initiateurs pressentent que seul un changement profond de comportement peut permettre un développement soutenable et partagé. Ces femmes et ces hommes construisent au jour le jour des projets, innovent et s’essayent à créer une société plus solidaire et responsable. Comme eux, nous croyons qu’un autre monde est possible, basé sur le respect des diversités culturelles, sur le respect de la bio-capacité et sur une équité humaine.

e-graine a vu le jour pour participer à cette création, en faisant le pari qu’une association éducative, basée sur des principes exemplaires, permettrait d’accélérer cette construction.

B – L’engagement au coeur du développement de l’association

e-graine, c’est l’histoire de « 3 potes de 25 ans » qui en 2005, ont voyagé, fini leurs études, et décidé de créer une association d’abord bénévolement en fédérant autour d’eux leur réseau amical et familial à travers l’envie d’agir, une créativité et des compétences diversifiées !

Aujourd’hui en 2020, e-graine s’est constituée en Union qui compte 5 associations situées à Paris (Ile-de-France), Lyon (Auvergne Rhône-Alpes), Bordeaux (Nouvelle Aquitaine), Occitanie (Midi Pyrénées), ainsi que la « Maison des Alternatives » à Chennegy (Grand Est). Une association est en cours d’implantation en Hauts-de-France.

En effet, en 2014, l’engagement pour le projet associatif a poussé certains salariés, bénévoles et sympathisants d’e-graine à acheter collectivement une bâtisse liée à l’histoire de la création d’e-graine dans un petit village champenois, dénommé Chennegy. Ainsi, sont nées l’association e-graine Champagne-Ardenne et la Maison des alternatives (nom du lieu) à Chennegy (village d’environ 400 habitants dénué de tout commerce). Cette dynamique francilienne 100 % bénévole n’a pas tardé à attirer des locaux ! Le projet s’ancre aujourd’hui sur le territoire : de plus en plus d’habitants du coin adhèrent au projet, s’investissent dans le conseil d’administration et participent aux week-ends de travaux mensuels pour découvrir le maraîchage en permaculture ou restaurer le lieu par exemple.

Les associations e-graine se développent donc au fil des envies d’engagement d’individus souhaitant porter le projet associatif d’e-graine « Le temps des alternatives ». Ces envies étant toujours étudiées en fonction des besoins des territoires.

Témoignage de Julien Mast Directeur développement national d’e-graine

2 – UNE DÉMARCHE PÉDAGOGIQUE POUR L’ENGAGEMENT

Accueillir et accompagner des volontaires, un engagement important pour e-graine : Depuis la création de l’association en Ile-de-France, l’équipe a accueilli environ 20 jeunes en service civique volontaire. Afin de garantir l’épanouissement des jeunes, les volontaires et les tuteurs ont élaboré ensemble un « outil de suivi du volontaire ». Cette grille de discussion permet d’aborder tous les points importants d’une mission de SCv : construction de son projet professionnel, épanouissement du volontaire dans ses missions, développement de compétences, etc. Les volontaires accompagnés ont tous pu avancer dans la construction de leur parcours professionnel et leur connaissance d’eux-mêmes. Certains ont d’ailleurs souhaité prolonger leur engagement au sein de l’association : en CDD avant de poursuivre leur projet professionnel dans l’enseignement par exemple, mais aussi en CDI comme Manuel et Chloé qui sont animateurs, ou Caroline qui fait partie de l’équipe de responsables de la structure.

Témoignage de Chloé Broni, Service civique volontaire, e-graine

A – L’importance de la pédagogie active dans le projet associatif d’e-graine

La pédagogie, selon nous, vise à rendre autonome et éclairée une personne pour qu’elle puisse faire ses choix en connaissance de cause.

C’est une démarche active qui s’inscrit dans la durée et qui nous semble la plus efficace pour amener à un véritable changement de comportement et d’attitude.

L’éducation doit être un outil non pas d’uniformisation mais de compréhension et de reconnaissance du potentiel de la diversité. Il s’agit de donner l’envie de faire ensemble, de prendre conscience du collectif que nous formons.

La clef de cette compréhension doit avant tout passer par :

• Le partage de valeurs universelles.

• Le développement collectif d’esprits critiques capables d’appréhender les enjeux de la société (éducation à la pensée complexe).

• La mise en marche d’une volonté d’agir en faveur d’un monde juste, responsable et équitable pour tous.

B – L’éducation populaire et la participation active

si les méthodes actives sont reconnues dans le domaine de l’éducation populaire, on peut souligner qu’elles sont particulièrement pertinentes pour intervenir autour du thème de l’engagement.

Si j’avais à résumer très brièvement l’apport essentiel de l’Education populaire, je dirais que c’est l’affirmation que « faire ensemble » fonde le « vivre ensemble ». (…) Elle propose que nous nous donnions des projets communs au service du développement des hommes et qu’au sein de ces projets nous mettions en oeuvre une forme particulière d’autorité fondée sur la recherche du bien commun et la possibilité pour chacun de prendre une place dans le monde… et de changer de place ».

Philippe Meirieu

Il est nécessaire que la place des jeunes au sein des projets existe et soit reconnue,afin de susciter la prise d’initiative et une construction partagée des actions éducatives, en coopération avec les adultes qui les accompagnent et/ou qui les entourent.

• de quoi ont-ils besoin ? comment-définissent-ils eux mêmes ce qu’ils veulent ?

• quel est le sens du projet ? que souhaite-t-on résoudre concrètement ?

• en quoi les ressources de chacun sont nécessaires et mises à égale contribution ?

Les méthodes pédagogiques utilisées et le format proposé ont une incidence sur la mobilisation des jeunes : comment leur donner envie de participer ? Pour quoi faire ? A quel titre ?

C – Le rôle des éducateurs et la place des participants

Issus d’univers, de formations et parcours diversifiés, les animateurs d’e-graine partagent des valeurs mais aussi des expériences riches qui leur permettent de constituer une équipe pédagogique professionnelle qui s’appuie sur une interdisciplinarité.

Quelles que soient les thématiques abordées, les animateurs sont garants des messages transmis mais également du climat et de la bienveillance des échanges égalitaires au sein d’un groupe.

Ainsi, voici les principaux objectifs que nous souhaitons faire atteindre aux participants et ce qu’ils impliquent pour la posture de nos animateurs :

Etre reconnu

• Etre convaincu du potentiel créatif de chacun

Apprendre à débattre

• Instaurer un climat respectueux de chacun, du groupe et du lieu

• Favoriser les échanges dans le groupe, en étant attentif à la prise de parole de l’ensemble des participants y compris des plus discrets : chaque avis compte!

• Respecter l’avis et encourager la participation de chacun sans jugement de valeur

• transmettre aux participants des techniques individuelles et collectives issues de la communication non-violente pour faciliter les échanges et les outiller dans leur rapport à eux-mêmes et aux autres

Prendre la parole et contribuer à l’évolution des représentations du groupe par l’esprit critique

• Interroger les représentations du groupe et les faire évoluer à travers les interactions du groupe, pour en construire de nouvelles

• Faire partie du groupe, impulser et restituer des réflexions collectives qui se construisent au fur et à mesure pour accéder à la pensée complexe

• Etre à l’écoute du groupe pour réorienter les méthodes ou activités proposées.

Participer à la co-construction et l’évolution des projets/ateliers

• Impliquer les participants dans la définition du programme d’activités, des supports, des objectifs et de l’évaluation, et dans la valorisation des projets

• Proposer des supports et contextes d’animation variés pour que chacun puisse trouver une place confortable selon ses modes d’apprentissage (visuel, auditif, kinesthésique, etc.)

• Organiser des temps de travail en sous-groupes et des restitutions collectives animées par les participants

Etre à égalité avec les parties prenantes du projet

• Favoriser les interactions et échanges entre les bénéficiaires, les animateurs et les financeurs des projets ; tendre vers un partenariat.

3 – PENSER GLOBALEMENT, AGIR LOCALEMENT

A – Eduquer à la pensée complexe

« Je dirais que la pensée complexe est tout d’abord une pensée qui relie. C’est le sens le plus proche du terme complexus (ce qui est tissé ensemble). Cela veut dire que par opposition au mode de pensée traditionnel, qui découpe les champs de connaissances en disciplines et les compartimente, la pensée complexe est un mode de reliance. Elle est donc contre l’isolement des objets de connaissance ; elle les restitue dans leur contexte et, si possible, dans la globalité dont ils font partie. »

Edgar Morin

La pensée complexe n’est pas une démission intellectuelle affirmant que tout est complexe, et qu’on ne peut rien comprendre.

L’éducation à la pensée complexe est une éducation aux choix, et non pas un enseignement des choix. Le choix doit être fondé sur la connaissance, la raison, l’esprit critique, le débat et l’engagement individuel et collectif.

Nous souhaitons permettre au grand public de faire des choix en pleine connaissance des tenants écologiques, économiques et sociaux qui en résultent, globalement et localement.

Il n’existe, en effet, pas de solution miracle. En fonction du territoire sur lequel nous vivons, nos choix peuvent être différents.

Pour susciter l’engagement, éduquer à la pensée complexe nous parait primordial. l’individu est impliqué et peut agir, dans les sphères politique, économique et citoyenne.

cette éducation à la pensée complexe s’inscrit:

dans le temps : agir aujourd’hui en fonction des aspirations que l’on a à long terme.

dans l’espace : prise en compte de l’interdépendance entre ici et ailleurs avec l’aspiration à l’équité entre les peuples

dans l’action : importance d’agir à 2 niveaux ( importance de l’individuel et du collectif)

B – Les 9 graines de savoir

Pour y parvenir, notre association a défini des piliers éducatifs qui nous paraissent essentiels : les graines de savoir. Elles sont toutes liées les unes aux autres, aucune n’est isolée.

 

9graines

PARTIE 2 – POURQUOI CET OUTIL ?

1 – CONTEXTE GÉNÉRAL DU PROJET

Depuis 2012, l’association e-graine intervient sur le thème l’engagement des jeunes, à travers une offre pédagogique formelle.

Pour répondre aux besoins d’une structure travaillant sur l’insertion sociale et professionnelle des jeunes, e-graine a tout d’abord construit un parcours éducatif basé sur des méthodes actives et la découverte de différents moyens de s’engager pour les jeunes.

En effet, les éducateurs qui accompagnent les jeunes souhaitaient enrichir leurs approches pour lever les freins à l’insertion des jeunes.

A travers des ateliers ludiques et participatifs, les jeunes ont découvert un autre contexte d’apprentissage, qui a suscité également l’intérêt de l’équipe éducative en termes de pratiques pédagogiques.

Les jeunes ont pu rencontrer des acteurs investis sur leur territoire et questionner la notion d’engagement en découvrant le service civique, le bénévolat, le volontariat international, mais aussi les conseils de quartiers et d’autres opportunités de s’impliquer localement.

A la fin du parcours, l’équipe a pu observer une re-mobilisation de l’ensemble des jeunes dans le cadre de leur recherche de projet professionnel.

A la suite de ce premier projet soutenu par la DDCS, nous avons décidé de développer cette approche innovante auprès de multiples structures accompagnant les jeunes de 16-25 ans, sur les différents territoires de l’Ile-de-France en répondant à un appel à projet de la région. La Région Ile-de-France a soutenu e-graine pendant 3 ans pour « Promouvoir l’engagement des jeunes 16-25 ans en Ile-de-France ».

Cette expérience de gestion de projet pluri-annuelle a été particulièrement riche d’enseignements pour notre équipe.

En effet, il y a eu quelques rebondissements par rapport à l’idée que nous nous faisions d’un projet initial « duplicable » facilement.

Ce sont précisément les ajustements que nous avons dû réaliser qui ont fait évoluer le projet à partir des réalités que vivent les nombreux acteurs qui interviennent auprès des jeunes.

La réadaptation du projet lui a donné une autre dimension et une ambition plus large.

L’analyse de cette expérience apporte un éclairage intéressant sur les pratiques professionnelles et contextes d’intervention des multiples acteurs de la jeunesse. De plus, elle met en valeur le développement de partenariats riches sur les territoires et donne une belle visibilité de projets diversifiés pour susciter la participation des jeunes.

Si grâce au soutien de la Région nous avons pu développer des actions, une recherche active de co-financements a été obligatoire pour la mise en oeuvre de nombreux projets. En effet, on peut être frappé par l’impact d’une baisse des dotations et subventions de l’Etat qui menace les actions quotidiennes des acteurs de la jeunesse et de l’insertion sociale et professionnelle.

A ce jour, des structures historiques qui ont été partenaires durant ces 3 années, ont malheureusement dû fermer faute de soutien financier.

2 – VERS UNE CAPITALISATION D’EXPÉRIENCES

L’ensemble des interventions pédagogiques réalisées par l’association sur le thème de l’engagement nous a permis de faire un diagnostic qui a donné un autre sens au projet et a enrichi notre niveau d’expertise et notre légitimité dans ce domaine.

– Réaliser cette capitalisation a créé une dynamique collective au sein de l’association, notamment à travers une mutualisation des pratiques des animateurs et chargés de projets éducatifs d’e-graine qui interviennent sur des territoires différents en Ile-de-France.

Cette capitalisation…

Pour quoi ?

Les rencontres entre acteurs que nous avons organisées nous a permis de cerner le besoin ainsi que l’envie des professionnels de croiser leurs retours d’expériences.

• La notion d’engagement ne veut pas dire la même chose pour tout le monde. Nous avons observé de grandes disparités dans les représentations aussi bien des jeunes que des professionnels.

• La relation jeune / adulte, jeune / institution est souvent déséquilibrée : de quelle participation parle-t-on ? Jusqu’où leur « laisse-t-on » la place de participer « pour de vrai » et d’être un acteur de la coopération à part entière ?

• Nous avons constaté que les contextes d’intervention sont cloisonnés. Exemple :

peu d’interactions entre les professionnels d’un EDI et des professeurs de lycée.

• Et pourtant ! La question de l’engagement est un vrai levier pour créer de la cohérence dans le parcours d’un jeune et instaurer une complémentarité des pratiques des professionnels qui les accompagnent.

Sur quoi ?

• Nous avons accumulé beaucoup de retours d’expériences auprès de différents acteurs de la jeunesse et de l’insertion.

• La diversité de nos champs et contextes d’intervention nous a permis d’acquérir une vision transversale et globale de l’éducation à la citoyenneté et à l’engagement auprès des jeunes.

Cet outil propose :

> Un questionnement théorique transversal sur la jeunesse et la question de l’engagement.

> Un zoom sur des méthodes actives et participatives pour susciter la participation et l’engagement des jeunes.

> Des témoignages et retours d’expériences d’acteurs et de l’association e-graine sur l’engagement en trois parties : la mobilisation, la place des jeunes au sein des projets, l’évaluation et l’impact des projets.

> Des ressources pour aller plus loin.

Pour qui ?

• Rendre acteur un jeune est un objectif commun à tous les dispositifs éducatifs pour les 16-25 ans. Les méthodes éducatives et pratiques pédagogiques sont extrêmement variées mais « comment rendre un jeune acteur » reste un questionnement permanent.

• Les acteurs ont du mal à renouveler leurs méthodes, à en imaginer de nouvelles.

Parfois démunis, ils peuvent être amenés à mettre en place des actions qui ne fonctionnent pas.

Cet outil est destiné aux acteurs qui interviennent auprès des jeunes 16-25 ans : services jeunesse, lycées, centres d’information et d’orientation, missions locales, clubs de prévention, centres de formation et d’insertion à visée sociale et professionnelle, etc.

Les professionnels de terrain peuvent se saisir de cet outil pour questionner et susciter la participation active des jeunes dans le cadre de leur accompagnement sur le plan éducatif, social et professionnel.

Pour quoi faire et comment ?

Le produit de cette capitalisation est destiné à croiser et enrichir les pratiques professionnelles des acteurs, à travers un apport théorique sur la jeunesse et l’engagement, des témoignages et retours d’expériences d’acteurs différents, des fiches pratiques et ressources pour aller plus loin.

Cet outil peut contribuer à l’innovation sociale au sein des territoires en mettant en place de nouvelles dynamiques partenariales.

Il peut également être utile aux professionnels pour prendre du recul sur leurs pratiques à travers des regards croisés issus des témoignages, et enrichir des projets existants.

Notre lecture de la question de l’engagement des jeunes s’appuie sur une réflexion sur l’approche éducative et les méthodes participatives qui constituent le coeur de nos métiers d’éducateurs.

L’ensemble des acteurs de terrain peuvent s’inspirer des projets menés et s’approprier un ensemble d’outils et de ressources pour susciter la participation active des jeunes à travers des approches éducatives qui favorisent la coopération entre toutes les parties prenantes d’un projet.

Chaque projet pourrait tendre à ce que chaque participant (jeunes, encadrants, partenaires financiers, etc.) puisse avoir une place « égalitaire ».

Chacun contribuant au projet collectif selon ses compétences, son rôle, ses objectifs… dans un rapport le « plus équilibré possible ».

Des acteurs différents accompagnent les jeunes dans leurs parcours de formation et d’insertion. Bien que les pratiques soient souvent cloisonnées, ils travaillent sur des champs communs d’actions éducatives. la question de la participation et de l’engagement des jeunes constitue un enjeu majeur dans les pratiques éducatives. Par exemple:

– création d’un module spécifique.

– intégration à une matière existante.

– etc.

Chapitre 2 : les jeunes et l’engagement… c’est-à-dire ?

Interview de Laurent Lardeux, Chargé d’étude et de recherche, INJEP

 

PARTIE 1 – Comment définir les jeunes ?

A – Les « Jeunes » : Une classe d’âge particulière mas des individus divers

Selon le centre d’observation de la société, « Il n’existe pas de définition officielle de l’âge de la jeunesse. La plupart des travaux scientifiques considèrent comme « jeunes » les personnes âgées de 15 à 24 ans. Il s’agit de la définition des Nations Unies, et aussi l’intervalle le plus utilisé par l’INSEE»*.

Différentes études permettent d’appréhender et de donner des caractéristiques d’une catégorie « jeune » en s’intéressant aux systèmes de valeurs et pratiques sociales des individus croisés avec de nombreuses variables socio démographiques et socio économiques éclairantes, dans un contexte spatio-temporel.

D’autres approches psycho-sociologiques s’intéressent à un « processus de maturation individuelle » en lien avec des notions comme l’adolescence, la socialisation, la construction identitaire, l’insertion.

B – Les rapports « jeunes / vieux » et « jeunes / jeunes »

En affirmant que « La jeunesse n’est qu’un mot », Pierre Bourdieu démontre que la frontière entre jeunesse et vieillesse est dans toutes les société un enjeu de lutte.

Il rappelle que georges Duby a aussi montré comment au Moyen-Age, les limites de la jeunesse étaient l’objet de manipulations de la part des détenteurs du patrimoine qui devaient maintenir en état de jeunesse, c’est -à-dire d’irresponsabilité, les jeunes nobles pouvant prétendre à la succession ».

« Quand je dis jeunes/vieux », je prends la relation dans sa forme la plus vide. On est toujours le vieux ou le jeune de quelqu’un. C’est pourquoi les coupures soit en classes d’âge, soit en génération, sont tout à fait variables et sont un enjeu de manipulations (…) entre les jeunes et les vieux, il est question de pouvoir, de division (au sens de partage) des pouvoirs ».

De plus il souligne que les rapports entre l’âge social et l’âge biologique sont très complexes.

« le fait de parler des jeunes comme d’une unité sociale, d’un groupe constitué, dotés d’intérêts communs, et de rapporter ces intérêts à un âge défini biologiquement, constitue une manipulation évidente (…) il faudrait au moins analyser les différences entre les jeunesses (…). Par exemple, on pourrait comparer systématiquement les conditions d’existence, le marché du travail, le budget temps, etc. des « jeunes » qui sont déjà au travail, et des adolescents du même âge (biologique) qui sont étudiants : d’un côté les contraintes, à peine atténuées par la solidarité familiale, de l’univers économique réel, de l’autre, les facilités d’une économie quasi ludique d’assistés, fondée sur la subvention, avec repas et logements à bas prix, titres d’accès à prix réduits au théâtre et au cinéma, etc ».

C – Le passage à l’âge adulte, un moment particulier dans un contexte socio-économique qui n’est pas spécifique aux jeunes

Pour définir la jeunesse, on s’attache aussi aux spécificités du contexte lié au « passage à l’âge adulte », c’est-à-dire l’entrée dans la vie active, l’accès au logement, à la vie de couple et à la parentalité, etc.

S’il s’agit effectivement d’un contexte particulier, on peut aussi souligner le fait que beaucoup d’adultes voire de seniors sont aujourd’hui soumis au tumulte de crises sociales qui bouleversent le secteur de l’emploi, du logement mais aussi du modèle familial.

Ainsi, les freins à l’insertion sociale et professionnelle rencontrés par les jeunes sont aussi des freins pour les plus âgés.

La coopération inter-générationnelle constitue un levier sur les plans social et économique.

D – Des freins à l’engagement des jeunes ?

> Une tranche d’âge spécifique

• Dans le cadre scolaire/étudiant, les jeunes ont parfois un emploi du temps extrêmement chargé, ainsi qu’une pression forte notamment des parents en termes de réussite. On peut parler d’engagement scolaire.

En effet, un participant donne l’exemple de la réception d’une « lettre d’excuses » rédigée par un jeune du conseil des jeunes de la ville, en classe de terminale qui « aux vues du programme scolaire décide de quitter le CMJ ». Il relève combien il prenait au sérieux cet engagement.

• A l’adolescence et lors du passage à l’âge adulte, on peut aussi observer un sentiment de peur qui freine l’engagement : peur de l’échec comme de la réussite.

Pour certains, créer une association est impressionnant et représente trop de responsabilités (connaissance des droits et devoirs).

• Selon le type de public, quelques expériences montrent que l’accès à certains codes de la société peut constituer un frein à l’engagement des jeunes. Si certains sont parfaitement à l’aise, d’autres se montrent plus frileux voire ne souhaitent pas échanger avec les acteurs institutionnels et s’impliquer dans la vie locale de cette manière.

> Un morcellement institutionnel

De manière générale, on assiste à un « morcellement institutionnel ».

De nombreuses actions sont menées sur l’orientation professionnelle par les acteurs qui interviennent auprès des jeunes. Sans systématiquement se concerter, les services jeunesse, les missions locales ou encore la maison des entreprises organisent leurs propres événements. Pour les jeunes, « tout le monde parle de la même chose mais de plein de façons et à pleins d’endroits ».

Difficile de s’y retrouver ! Les différents moyens de s’engager ne font pas forcément sens pour les jeunes. Il y a un manque de cohérence pour eux.

> La place laissée aux jeunes par les adultes

• Il s’agit d’une question centrale qui revient dans tous les contextes et exemples d’engagement des jeunes.

Si l’on observe dans tous les groupes, des mécanismes relatifs à des « jeux de pouvoir », cette question semble renforcée par les relations intergénérationnelles.

• Dans le cadre scolaire ou pour les CMJ, les jeunes doivent être légitimes dans leurs fonctions. Il est important de « leur laisser la place », « qu’ils observent un rendu concret de ce qu’ils font ». On peut noter une différence entre « des délégués d’élèves qui accompagnent les camarades malades à l’infirmerie » et un « vrai rôle » pour ces représentants d’élèves qui peuvent mettre des projets en place au sein de la vie scolaire. Le rôle du Conseiller Principal d’Education est primordial. Il contribue également à sortir du schéma selon lequel le délégué est un bon élève. Ce n’est pas le but. Cette fonction est ouverte à tous !

• On peut également observer que la moyenne d’âge dans beaucoup d’associations est élevée. Dans les conseils d’administration les jeunes sont peu ou pas représentés.

Si de nombreuses personnes retraitées sont impliquées bénévolement, qu’en est-il de la relève ? Quelle place fait-on aux jeunes au sein des associations ? Il y a parfois le sentiment qu’une classe d’âge souhaite « garder le monopole ».

• Dans le cadre de l’accompagnement des jeunes dans leur parcours d’insertion sociale et professionnelle, le positionnement des adultes facilite (ou pas) la prise d’initiatives des jeunes. On assiste parfois à un manque de compréhension et de confiance réciproques.

Dans d’autres cas, les professionnels pourtant bien attentionnés prennent des initiatives pour les jeunes afin de les inciter à se mobiliser. L’axe choisi est le choix de l’adulte.

Si l’engagement des jeunes 16-25 ans paraît parfois laborieux à susciter, une professionnelle souligne que c’est l’âge le plus représenté chez les bénévoles : « on perd les bénévoles après 25 ans, avec l’entrée dans une vie familiale ».

E – De réels leviers pour susciter l’engagement et la participation des jeunes

> Des groupes de pairs ressources

On peut observer la mobilisation de certains jeunes au sein de dynamiques associatives, par exemple à travers la danse, le sport, etc. Ils s’épanouissent dans leur discipline et certains évoquent une orientation professionnelle individuelle à cet élan. En revanche une implication collective à travers la création d’une association locale n’apparaît pas une priorité.

Si les jeunes investis pendant une période donnée ne transforment pas forcément cette implication dans un projet local à long terme, ils peuvent néanmoins témoigner de leur élan et donner envie à d’autres jeunes d’initier des projets même à court, moyen ou long terme.

On pourrait assister à un foisonnement d’initiatives de la part des jeunes, un élan précieux pour ces jeunes citoyens qui peut se transmettre à travers les différents groupes d’âges. Tous les projets engagés ne seront pas forcément pérennes mais l’esprit d’initiative et la participation citoyenne des jeunes pourrait être une force vive sur un territoire.

> Un cadre « sur mesure » ?

Les adultes interviennent parfois auprès des jeunes selon un cadre rigide, ne laissant pas de place à une concertation partagée. L’information et les prises de décision sont « descendantes ». A l’inverse, il arrive que le cadre soit trop souple et que les jeunes n’identifient pas de repères sur lesquels s’appuyer pour libérer leur capacité d’agir avec créativité.

Pourquoi ne pas laisser/accompagner un groupe de jeunes à construire ses propres règles ? Certains relèvent l’importance du travail de coopération entre les jeunes et le adultes. Accompagner un groupe dans la mise en place de son projet implique de ne « pas tout maîtriser », notamment sur le plan logistique (calendrier de gestion du projet, etc.). Cela peut se révéler compliqué dans le cadre d’un fonctionnement institutionnel.

Les accompagnateurs peuvent être pris entre la gestion participative de la dynamique du groupe de jeunes et un cadre administratif contraignant.

Quelle est la capacité des institutions à s’adapter ?

Il s’agit bien d’un travail de coopération qui est en jeu car chacun doit se soumettre à certaines règles de fonctionnement collectif.

Un exemple est donné sur un territoire : une salle est ouverte à des jeunes qui souhaitent se retrouver autour d’une activité commune, sans participer aux associations existantes pour le moment. Un groupe est auto-géré, il n’y a pas d’adulte présent pour guider l’activité danse. Ce projet à l’initiative des jeunes a été accueilli par les acteurs de la ville qui poursuivent leur travail éducatif au quotidien de façon adaptée.

> Une complémentarité des acteurs de la jeunesse, des outils communs ?

Selon le contexte d’intervention auprès des jeunes, les leviers sont variés.

Il existe une « culture » éducative, un cadre et un contexte « politique » différents selon les acteurs qui interviennent auprès de la jeunesse. Un conseiller en mission locale accompagnant les jeunes vers l’emploi n’aura pas forcément le même positionnement qu’un animateur du service jeunesse de la ville, préparant un séjour de loisirs. Néanmoins la question de la place laissée à la participation des jeunes se pose à l’ensemble des professionnels. Aussi, des moyens d’agir pourraient être envisagés de façon commune et complémentaire.

PARTIE – 2 : Comment définir l’engagement ?

A – État des représentations et visages de l’engagement *

* Source : La France s’engage. Forum 2016

L’engagement, c’est quoi ?

– le respect (des lois, des autres, de la France et de ses valeurs), le vote.

– le tri des déchets est jugé utile pour améliorer le fonctionnement de la société

– le bénévolat associatif, loin devant les autres formes d’engagement au sein de collectifs.

Un peu plus d’un français sur 2 se définit comme un citoyen engagé.

Les actions « citoyennes » les plus pratiquées par les français aujourd’hui sont plutôt individuelles, avec une préférence pour la proximité.

Pourquoi s’engager ?

– Le souci des générations futures et la volonté de défendre des valeurs de la France ressortent comme les premières motivations d’engagement.

Pour quoi s’engager ?

– Les Français accordent davantage leur confiance aux acteurs de proximité et aux citoyens eux-mêmes pour soutenir et promouvoir les projets innovants

– Pour les Français, la lutte contre le chômage ressort comme la cause prioritaire à défendre, devant la protection de l’environnement.

B – Niveaux, espaces et stratégies d’engagement *

SOCIÉTÉ CIVILESPHÈRE POLITIQUESPHÈRE ÉCONOMIQUE
INDIVIDUELsensibiliser son entourage, relayer une campagne, financer une organisation, signer une pétition citoyenne, etcvoter, interpeler les élus, participer à un référendum, etcconsommer responsable, consommer moins, recycler, troquer, placer de l’argent dans une banque éthique, etc
COLLECTIFgroupe d’action directe, groupe de pression, groupe d’éducation populaire, d’empowerment, comités d’habitants, assemblées populaires, etcmouvement politique, syndicat et coalitions, comités de quartier, budget participatif, etc.commerce équitable, coopération de production, SEL, circuits-courts, donneries, épargne solidaire, épargne coopérative, RSE
EXEMPLESLes Indignés, Quinoa, Greenpeace, CNCD, Villes en transitionETOPIA, FGTB, Agenda 21, Conseil de JeunesseRéso des Gasap, Triodos, Max Havelaar, New B, Agricovert, Oxfam, Médecins Du Monde.

*Source : Quinoa, 2016

C – Les divers types d’engagement et leur visée respective

FORME D’ENGAGEMENTACTIONBUTEXEMPLES
L’ENGAGEMENT CITOYEN (Conscience citoyenne)Agir en tant que citoyen conscient d’appartenir à une démocratie, pour une cause collective.Vise à critiquer, réviser ou réserver les institutions et les règles au sein d’un état démocratique. Soutient la participation des citoyens à l’exercice de la démocratie.Parfois, l’engagement social, humanitaire ou personnel sont aussi citoyens.
L’ENGAGEMENT SOCIAL OU COMMUNAUTAIRE (Conscience sociale)S’impliquer en tant que bénévole, militant, membre ou élu d’une association étudiante ou syndicale, d’un organisme communautaire ou à but non lucratif.Vise le bien-être et l’amélioration des conditions de vie des habitants d’un quartier, d’un village, d’une région. Il inclut les actions à portée écologique.Bénévolat pour des personnes âgées ou en difficulté, pour une activité ponctuelle, implication au sein d’organismes tels : Forum jeunesse de sa région, Association étudiante, Syndicat, Parti Politique, Equiterre, ENvironnement JEUnesse, Alternatives, Conseillers principaux d’éducation, Fédération des Femmes du Québec, Regroupement des jeunes gens d’affaires du Québec, etc
L’ENGAGEMENT HUMANITAIRE (Conscience humanitaire)S’engager en tant que bénévole, militant, membre d’une organisation non gouvernementale ou de coopération internationale.Vise le bien-être et l’amélioration des conditions de vie de l’humanité. L’humanitaire est ce qui aide le plus défavorisé au nom de la solidarité humaine.Engagement au sein d’organismes tels : OXFAM, Alternatives, Centre d’étude et de coopération internationale, Médecins sans frontières, Musiciens du monde, etc.
L’ENGAGEMENT PERSONNELAction individuelle.Action qui vise le bien-être et l’amélioration de sa condition.S’engager dans son travail, ses études.

*Source : Lynda Champagne et Jean François Marial « Réflexions idéologiques sur l’engagement citoyen », AQOCI, 2011

Il est intéressant de noter que QUINOA ne parle pas d’engagement humanitaire et distingue l’engagement « assistance » et l’engagement « solidaire ».

Les Formes d’engagement

ENGAGEMENT COMMUNAUTAIREDonner du sens à la collectivité
ENGAGEMENT ASSISTANCEAgir sur les conséquences des inégalités
ENGAGEMENT SOLIDAIREAncre un soutien direct dans une perspective de changement
ENGAGEMENT À CARACTÈRE POLITIQUELutter contre les causes des inégalités et injustices

*Source : Quinoa, 2016

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